Résumé de l'éditeur:
"Je suis parti en courant, tout à coup. Juste le temps d'entendre ma mère dire Qu'est-ce qui fait le débile là ? Je ne voulais pas rester à leur côté, je refusais de partager ce moment avec eux. J'étais déjà loin, je n'appartenais plus à leur monde désormais, la lettre le disait. Je suis allé dans les champs et j'ai marché une bonne partie de la nuit, la fraîcheur du Nord, les chemins de terre, l'odeur de colza, très forte à ce moment de l'année. Toute la nuit fut consacrée à l'élaboration de ma nouvelle vie loin d'ici". En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Très vite j'ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.
***
Voici la plus difficile chronique que j'ai eu a écrire depuis la naissance de Dandelion. En finir avec Eddy Bellegueule comporte à peine plus de 200 pages. J'ai mis pourtant des mois à le finir, lisant quelques dizaines de pages puis le refermant, passant à un autre roman, y revenant, avec toujours ce sentiment de malaise perdurant pour me le faire encore et encore tomber des mains. Malaise oui, mais aussi incompréhension, consternation puis (donc) rejet en bloc.
Mais quelle force dissimulée en moi m'a contraint à finir coûte que coûte ce bouquin alors que tant d'autres m'attendaient et que le privilège du lecteur lambda n'est-il pas de ne lire sous aucune contrainte ?
De l'attachement. Oui, c'était évident, même si je ne m'en suis rendu compte que dans les derniers paragraphes du livre d'Edouard Louis. De l'attachement pour une région (La Picardie) dans lequel nous avons donc vécu tous les deux Eddy Bellegueule et moi. Lui a donc passé son enfance dans un petit village de la région crayeuse du Vimeu dans le département de la Somme, moi dans la capitale, la plus grande ville entre Paris et Lille, Amiens ou réside donc un dénominateur commun entre nous, un lycée que nous avons tous deux fréquenté, à des époques différentes évidement, le lycée Madeleine Michelis. Un gouffre entre ces deux mondes espacés pourtant de quelques kilomètres. Ainsi donc, sans ces quelques éléments de rattachement, je n'y serai donc jamais venu à bout. D'accord mais l'ayant fini, comprenant sans doute un peu mieux sa démarche, une incompréhension demeurait pourtant.
Il y a bien des façons d'aborder un roman quelconque. Si autant de lecteurs/critiques furent aussi dithyrambique à l'égard d'En finir avec Eddy Bellegueule, c'est sans doute qu'ils l'ont pris pour ce qu'il n'était pas tout à fait, un simple roman, sans connaître ou simplement sans n'avoir cure (ne touchons pas à l'autofiction) de la polémique qui a très vite enflée autour du récit de ce tout jeune auteur de 21 ans.
Cette histoire, tout à la fois forte, bouleversante voire choquante sur la difficile enfance d'un garçon homosexuel né dans un milieu défavorisé (financièrement mais aussi intellectuellement) dans un village de l'austère campagne picarde où sa jeunesse fut un véritable calvaire entre fin de mois difficile ce soir on mange du lait, violence à l'école à son encontre prend ça dans ta gueule sale pédé, alcoolisme et rejet du père, pauvreté intellectuelle notre émission, vite ça v être "La Roue" (de la fortune), faut pas rater le début, racisme, idée de la virilité dépassée qui de fait accentue son lent sentiment de rejet...
Ce récit je n'ai pu le lire ainsi, l’aborder avec le recul nécessaire et n'en voir que ses qualités littéraires certaines ou par delà la dureté de ce qu'il y est écrit le mot reste juste et parfois même beau le mensonge était la seule possibilité de faire advenir une vérité nouvelle.
Et d'ailleurs mon malaise est en fait résumé en un seul mot en caractère rouge sur la couverture: ROMAN.
Normalien, Edouard Louis a sans conteste écrit un excellent livre sur le transfuge de classe, à l’intérêt sociologique indéniable.
Ainsi, dans le cadre d'une telle démarche, est-il bien nécessaire de jeter en pâture tant d'éléments autobiographiques, d'autant que son récit semble avoir également un forte propension à l'invention et l'exagération de son propre vécu, qui, si elle n'enlève rien aux qualités intrinsèques du livre et sont même nécessaires à sa démarche, en conservant son propre nom Eddy Bellegueule, les prénoms des différents protagonistes du livre, de ses parents, frères et sœurs, sans le moindre effort de protection, Edouard Louis n'avait-il pas une démarche quelque peu vengeresse ?
La perception future de tel ou tel protagoniste d'un livre dans une démarche autobiographique ou d'autofiction ne doit jamais façonner son écriture au risque d'en diminuer la portée. C'est une règle fondamentale et que pour la plupart du temps je ferais mienne. Mais n'y avait-il pas un quelconque procédé littéraire afin d'éviter de susciter tant la polémique dans sa région région d'origine et tant de rejet et d’incompréhension auprès de sa famille ?
Si bien entendu, à moins qu'au delà d'avoir tué Eddy Bellegueule, Edouard Louis décida de couper définitivement avec un passé qui l'a pourtant façonné.
AL
And now, Don't waste your time and will to read a fucking book !!!
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