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Marina Chiche - Méditation de Thaïs par Quarouble
J'ai souvent eu l’œil et la critique mauvais pour ce genre de livres.
Ce genre de livres ?
Oui vous savez, de ceux que le libraire ne classe pas dans la catégorie littérature des ses étals mais plutôt dans celles consacrées à l'actualité, aux faits de société ou encore aux essais autobiographiques et autres témoignages.
Ceux-là ne sont habituellement pas à mon gout. J'ai tendance à croire, comme beaucoup de vrais lecteurs assidus comme moi, solides amateurs de littérature et qui selon Philip Roth (lire son interview dans le post que j'ai consacré à Un Homme) sont en voie de disparition ; que ces ouvrages ne sont publiés que pour séduire une catégorie de lecteurs occasionnels, plus attirés par un fait d'actualité ou par le visage de leur présentateur TV préféré. Et pourtant...
Je me souviens très bien le jour où, cherchant les quelques romans qui allaient m'accompagner dans les semaines à venir, je suis attiré par cette couverture sur laquelle, au milieu d'une immense plage comme le littoral français sais nous en offrir à profusion, une petite fille blonde, marche, les bras écartés, les pieds l'uns derrières l'autres comme si elle évoluait sur un fil invisible.
En me replongeant aujourd'hui dans la couverture de Deux Petits pas sur le sable mouillé d'Anne-Dauphine Julliand, je comprends mieux ce qui m'avait attiré alors, au delà de la beauté intrinsèque de la photo, c'est la ressemblance de cette blondinette coiffée en tresses, comme sait si bien le faire sa magicienne de mère (c'est que j'arrive tout juste à lui faire une queue de cheval digne de ce nom, alors les tresses et autres couettes s'apparentent vraiment pour moi à de la magie...) avec ma propre progéniture.
Je parcours la quatrième de couverture qui valide le pressentiment m'ayant envahi en m'emparant du livre: Thaïs était ravissante et malicieuse.
Et alors que quelques années auparavant, j'aurais reposé derechef le livre, il rejoint aussitôt dans mon panier, les romans de Dennis Lehane, Fréderic Beigbeider et Didier Van Cauwelart, celui-ci me ramenant à ma propre expérience, moins dramatique sans doute, de la maladie.
Dans Deux petits pas sur le sable mouillé, Anne-Dauphine Julliand nous fait partager la courte histoire - mais ô combien riche de joie et d'amour - de la vie de sa fille Thaïs, atteinte dès sa naissance d'une maladie incurable.
Et alors que l'on pourrait s'attendre à un témoignage dramatique et quasi insoutenable, nous ressortons de la lecture de Deux petits pas sur le sable mouillé, avec un profond sentiment d'admiration pour ces parents qui se sont évertués, comme l'a dit l’éminent professeur Jean Bernard, à rajouter de la vie aux jours de Thaïs quand il était impossible de rajouter des jours à sa vie. Et même s'il est parfois difficile de retenir ses larmes à lecture de certains passages, le livre refermé, nous demeurons, pour un temps véritablement rassérénés.
Ce livre est resté longtemps, trônant ostensiblement sur un chevalet en bois ouvragé, sur la rangé la plus apparente de ma bibliothèque, mais pas comme j'ai l'habitude de le faire pour exhiber un ouvrage m’ayant particulièrement marqué, mais plutôt pour ne surtout pas oublier les leçons reçues de la part de Thaïs.
Et alors, que plusieurs mois après sa lecture, il venait de regagner une place plus commune, serré au milieu de ses congénères de papier (pas pour le remplacer par un autre, mais plus prosaïquement, pour le préserver des méfaits du soleil), c'est cette fois le visage rayonnant d'Anne-Dauphine Julliand qui a attiré mon regard en couverture de son second livre qui vient de paraître, en cette fin du mois de mai, Une Journée Particulière.
Dans ce second témoignage, je retrouve Anne-Dauphine Julliand, une journée particulière, au milieu de sa famille, Loïc, l'homme de sa vie, ses deux fils Gaspard et Arthur mais aussi Azylis, sa seconde fille, atteinte du même mal que sa sœur aînée, Thaïs. Une journée particulière car en ce 29 février, jour qui n'existe que tous les quatre ans, Thaïs aurait dû fêter son huitième anniversaire.
Et alors que j'ai eu tellement de difficulté à lire Alexandre Jollien, que j'admire pourtant tellement, et à faire mien son Petit traité de l'abandon - Pensées pour accueillir la vie telle qu'elle se propose - je me suis abandonné sans aucune réserve à la lecture de cette seconde leçon de vie de la famille Julliand (vous aurez remarqué la similitude de leur patronyme respectif).
Avec un vrai talent d'écriture - qui participe sans aucun doute à ce formidable succès critique et d'édition - cette mère héroïque, avec en fil rouge la façon dont elle et sa famille vont vivre ce jour de souvenir à la mémoire de Thaïs, aborde, avec sa philosophie qui parait pourtant si triviale, mais demeure pourtant si difficile à assimiler pour tout à chacun, des thèmes aussi nombreux que la maladie et sa prise en compte, l’accompagnement d'un proche atteint d'un mal incurable, le quotidien des accompagnants et le nécessaire lâcher-prise indispensable, la poursuite de la vie après la perte d'un être cher, la difficulté de faire perdurer son couple dans un contexte si difficile, la gestion du handicap d'un enfant (Azylis, la sœur cadette de Thaïs à la faveur d'une greffe de moelle osseuse a vu l'évolution de sa maladie ralentie mais doit vivre avec un lourd handicap) et la difficulté de lui laisser vivre sa propre vie, et enfin son credo, empreint de spiritualité, à continuer à être heureuse en faisant de chaque moment anodin du quotidien un rendez vous à ne pas manquer avec le bonheur. Oui car c'est cela qui est le plus marquant dans ce destin si bouleversant: Anne-Dauphine Julliand est aujourd'hui une femme heureuse.
"Aussi, comme Gaspard, je pense que Thaïs est allée jusqu'au bout de sa vie à elle. Sa vie ne devait pas durer quatre-vingts ans. Juste trois ans trois quarts. Ça n'en est pas moins une existence entière. Nous avons trop souvent tendance à penser, ou du moins à dire, d'une vie trop courte que ça n'est pas une vie et qu'une vie trop longue que ça n'est plus une vie. Je m'interroge alors. A partir de combien d'années et jusqu'à combien de décennies parle-t-on d'une vie ? Est-ce vraiment la durée qui compte dans une existence ? La vie n'est pas qu'un temps qui s'apprécie et se valorise à chaque bougie soufflée. Et je m'en réfère à Abraham Lincoln: "Et à la fin, ce ne sont pas les années qui comptent dans votre vie, mais la vie dans vos années." Or, quand je revisite les trois printemps de Thaïs, je ne peux m’empêcher de penser avec émotion: Seulement trois ans, mais que de vie!"
Grace à Anne-Dauphine Julliand, j'ai fait une énième rencontre fondamentale. Et je ne suis pas ressorti de celle-ci avec de la pitié, de la compassion ou encore de la tristesse mais avec un presque inavouable sentiment de jalousie...
Merci ADJ!
AL
Liens:
- Chanson "Ceux que l'on met au monde" de Lynda Lemay qui fait particulièrement écho au destin d'Azylis:
- 2 interviews (texte) d'Anne-Dauphine Julliand:
http://www.lavie.fr/culture/livres/anne-dauphine-julliand-et-laurence-kiberlain-le-bonheur-malgre-tout-21-05-2013-40475_30.php
http://www.lachaineducoeur.fr/edition/portraits/voir/anne-dauphine-julliand-laquo-deux-petits-pas-sur-le-sable-mouille-raquo-0004
- 2 interviews vidéo d'Anne-Dauphine Julliand:
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Le blog estampillé Littérature 2.0
Chroniques littéraires et observateur de la dématérialisation du Livre
mercredi 29 mai 2013
Deux petits pas sur le sable mouillé et Une Journée particulière d'Anne-Dauphine Julliand
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