Après des années pendant lesquelles tes romans m'ont fait les pages douces dans les étales des librairies, que j'entendais parler de toi en termes dithyrambiques (un des plus grands écrivains contemporains de ces 50 dernières années, l'écrivain préféré des américains, "mais quand vont-ils se décider à lui décerner le Prix Nobel de littérature ?"), et que les titres de tes romans s'accumulaient dans mon carnet Moleskine, l'antichambre de mon programme officiel de lecture (lire le début du billet sur Je reviendrai avec la pluie de Taguji Ichigawa), l'un de tes bouquins s'est enfin retrouvé entre mes mains et sous mes yeux.
Et l'ironie de la chose veut que ce soit au moment ou tu as décidé de cesser d'écrire que j'ai enfin décidé de te lire.
Tu te demandes peut-être pourquoi maintenant ?
Pour être sincère avec toi ce n'est pas grâce à tous les hommages que peuvent te rendent en ce moment tes exégètes, comme pour rentabiliser une matière qu'ils avaient prévue pour un événement plus radical mais qui tardait à venir.
Non, en fait c'est grâce à un livre.
Là devant ton écran en train de me lire, je t'image avec sur le visage cette moue d'évidence.
Pour y répondre, ce livre a en fait été écrit par un jeune auteur suisse, Joel Dicker, jusque-là pas très connu, et s'intitulant La Vérité sur l'affaire Harry Quebert, livre qui connut en France (et connait toujours à l'heure où je t'écris) un grand succès depuis sa sortie lors de la rentré littéraire 2012 et reçut, de surcroît deux prix importants, le Prix Goncourt des lycéens ainsi que le Prix du roman de l'Académie Française qui s'ils ne sont pas les plus prestigieux des prix littéraires français, lui confère tout de même une certaine valeur littéraire. Je ne dis pas ça pour te convaincre de le lire (libre à toi) ni pour me défendre de l'avoir lu, ceci fait simplement parti de mon raisonnement.
Ce livre donc, que tu ne connais pas encore (celui-ci n'est pas encore traduit en américain même si je suis certain qu'il le sera rapidement et que tes compatriotes vont l'adorer), au delà d'être un thriller jubilatoire teinté d'une histoire d'amour tragique (mais j'y reviendrai très rapidement dans un billet lui étant uniquement consacré), est également, je l'ai très vite compris en le refermant et en parcourant les quelques critiques formulées à son égard, un véritable hommage à ton oeuvre.
En effet, nombreuses sont les références et clins d'œil, à tes personnages ou romans.
J'en cite quelque un: son personnage principal s'appelle Marcus Goldman sans doute en référence au Marcus Messner d'Indignation, celui-ci est né à Newark comme beaucoup de tes personnages, son avocat se prénomme Roth et l'on en trouve bien d'autres, si bien que certains critiques un peu naïfs ou cherchant plutôt simplement à faire un peu de buzz pour améliorer l'audience de leur employeur respectif, l'ont taxé d'être un plagiat d'un de tes livres, La tache dont la trame se rapproche vaguement.
J'aurais donc du débuter par La tache pour finir de me persuader qu'il n'en était rien. Mais ce dernier faisant parti d'une trilogie (chronologiquement, Pastorale Américaine, J'ai épousé un communiste et donc La tache) et qu'il est de meilleur ton de débuter une trilogie par le tome I, mais restant farouchement décidé à entamer le cycle Philip Roth, j'ai donc recherché un autre roman de ton oeuvre qui demeurait de préférence assez récent (quand je lis un écrivain pour la première fois, j'ai tendance à m'intéresser à ce qu'il a fait de récent avant de revenir à l'essentiel de son oeuvre) et de préférence assez court, celui-ci devant être lu pendant une semaine de vacances au soleil et où le temps serait donc compté.
Et lorsque que l'on a comme moi, la chance et le privilège, d'avoir Frédéric Beigbeider comme conseiller-critique (je ne fais plus confiance à mon libraire qui tente de placer ses invendus), me conseillant allègrement Un Homme roman court, le vingt septième que tu as rédigé et qu'il place lui, au trente-septième rang de son panthéon littéraire (ses 100 livres préférés).
Voilà Philip, désormais tu connais le fin mot de l'histoire et maintenant je vais te demander d'en arrêter ici ta lecture puisque je dois maintenant parler d'Un Homme et que ceci n'a d’intérêt que pour ceux qui ne le connaissent pas ou qui l'on déjà lu et qui veulent savoir ce que j'en pense ou qui n'ont pas l'intention de le lire mais qui veulent savoir de quoi il est question enfin en tout cas pas à celui qui l'a écrit...
Un Homme de Philip Roth c'est l'histoire de...
Enfin ce roman retrace la vie de....
Comment s'appelle t'il déjà....
Mais où est ce livre... Ah oui le voilà, attendez une seconde...
Donc ce roman dépeint l'existence de...
Mais bon sang ! Grrrrrrrrrr
Et bien il a fallut que j'écrive ce billet pour m'en rendre compte, le personnage d'Un Homme n'est en fait pas nommé dans le roman. Il n'a ni prénom, ni nom de famille, omission tout à fait volontaire de Philip Roth pour démontrer que son personnage a en fait une destinée commune à tous les individus, qui est la mort, idée accentuée par le choix du titre original du roman Everyman soit "chaque homme" en traduction littérale.
Ainsi, Philip Roth nous propose le récit de la vie de cet homme, fils d'un immigrant juif devenu bijoutier, publicitaire à succès dans une agence de New York, marié trois fois (trois échecs cuisants) dont une avec un top-model danois, dont il gardera tout de même deux fils (qui ne lui pardonnent pas son premier divorce) et une fille Nancy (sans doute la vrai femme de sa vie) qui le chérira jusqu'au bout. Il a également un frère, Howie, homme d'affaire talentueux à la santé de fer, qu'il perdra peu à peu de vue au moment ou la maladie l'accablera, supportant mal de devoir se jauger à lui.
Autre élément original, le roman débute par l'enterrement et remonte, pas toujours chronologiquement, le fil de sa vie, jalonnée notamment par ses différentes rencontres avec la mort et son rapport à la maladie. Et malgré cela, la lecture du roman se fait de manière très fluide, car, autre prouesse de Philip Roth, le livre n'est pas séparé par des chapitres mais est écrit d'un seul jet.
Ainsi, si vous vous lancez dans la lecture d'un Homme, vous aurez alors certainement comme moi, une fois le livre terminé, l'envie de relire les premières pages, le fait de connaitre la vie et les rapports qu'il a entretenu avec les protagonistes présents à son enterrement conférant un nouvel attrait à celles-ci.
Pour terminer, je dirais que malgré les thèmes abordés par le livre (le caractère inéluctable de la mort, le rapport de l'homme et de son corps, l'expérience de la maladie), Un Homme est un roman qui, quand on à la chance comme moi de le lire à un age assez jeune, donne pourtant une profonde envie de vivre et de profitez à fond de cette étincelle presque qu'incongrue en rapport à l'immensité de l'univers, qu'est notre passage sur cette terre.
Alors VIVONS ! mais gardons tout de même un peu de temps pour lire d'excellents romans comme Un Homme qui pour ma part fut un excellent point d'entrée dans l'oeuvre de Philip Roth et m'a donc préparé de façon idéale à la trilogie de "Newark".
Carpe diem !
AL
Liens:
- Interview de Philip Roth par Télérama au moment de la sortie d'Un Homme
And now, don’t waste your time on Dandelion and will to read a fucking book !
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